TRAVAIL DU SOIN, CULTURE, SPIRITUALITÉ


Spiritualité et pratiques innovantes en milieux de soins. Entre diversité et uniformisation – Etude SPIPRA


Etudes

L’intérêt du monde des soins pour la question spirituelle n’est plus à démontrer. Il se traduit par un nombre croissant de publications qui témoigne de l’engouement récent de la communauté scientifique pour ce thème. Or, si les travaux de recherche contribuent à générer des savoirs au plan conceptuel, ainsi que des savoirs sur les liens entre la spiritualité/religiosité et des outcomes de santé, il est parfois difficile de cerner ce que ces éléments théoriques et ces résultats génèrent du point de vue des pratiques. De plus, la majorité des initiatives relatives à l’intégration de la spiritualité dans les soins émergent dans les pays anglo-saxons. Cette étude vise à combler en partie cette lacune en se donnant comme objectif d’étudier d’abord des pratiques innovantes qui émergent dans les milieux de soin à l’échelle de la francophonie. Neuf pratiques, développées en France, en Suisse romande et au Québec ont été inclues dans l’étude. Via l’utilisation d’une méthode d’enquête qualitative s’intéressant principalement au rapport subjectif des acteurs aux pratiques en question, les résultats permettront de mieux comprendre la nature de ces pratiques, ce qui les rassemble et ce qui les différencie et leurs conditions d’émergence et de transférabilité dans d’autres contextes.

 

Publications

Qu’est-ce que le Spiritual Care ?
Les soins palliatifs ont dès le départ fait une place à la spiritualité à travers les concepts de « souffrance globale » et de « souffrance spirituelle ». Il faut cependant attendre les années 2000 pour voir se développer un champ disciplinaire nouveau au carrefour du soin et du spirituel : le Spiritual Care. Nouveau métier, nouvelles pratiques, nouvelles compétences qui tardent en France à trouver l’écho que l’on repère en Amérique du Nord, au Pays-Bas ou au Royaume-Uni. Passéisme, laïcité à la Française, résistance au changement ? Claire HIBON & Nicolas PUJOL proposent ici une nouvelle manière de définir le concept de Spiritual Care qui échappe aux catégories classiques de la sociologie du travail telles que celles de « compétences », de « spécialisation », ou de « professionnalisation ». Ils montrent que l’attention à l’autre, la sollicitude et la compassion s’apprennent et s’affinent comme s’affinent les registres de sensibilité et que la spiritualité du soignant joue un rôle sur ce long chemin individuel et collectif que représente l’accompagnement de personnes gravement malades et en fin de vie. « La spiritualité du soignant modifie son rapport subjectif au travail et ne peut donc qu’influencer sa manière de prendre soin. Elle modifie son rapport à la souffrance, son rapport au plaisir, son rapport au sens, son rapport à la sublimation tout comme elle modifie la manière dont il se défend inconsciemment des agressions qui menacent son intégrité psychique. Les traditions spirituelles constituent un patrimoine immatériel de mythes, de récits, de pratiques et de concepts dans lequel puisent certains soignants pour faire leur travail. La question de savoir à quelles conditions leur spiritualité nourrit ou appauvrit le soin mérite d’être posée. »

Claire HIBON & Nicolas PUJOL, « Qu’est-ce que le Spiritual Care ? », Jusqu’à la mort accompagner la vie, Presses universitaires de Grenoble, 2020, Vol. 4, n°143, p. 11-23. A contacter pour PDF : e.kiledjian@hotmail.fr, rédacteur en chef de la revue.

 

 Les soins palliatifs à l’épreuve de la COVID 19
Dans ces deux articles, Nicolas PUJOL, Marie-Lorraine de WARREN et Sandrine MARSAN reviennent sur leur expérience en équipe mobile de soins palliatifs durant la première vague de la pandémie pour proposer une réflexion sur ce que la crise sanitaire révèle de la nature des soins palliatifs. Ils avancent l’hypothèse que les modifications apportées à l’organisation du travail ont affaiblit ce qui pourrait relever d’une « culture palliative », c’est-à-dire une culture de l’accompagnement et du prendre soin enracinée dans des règles de métier que se transmettent les soignants de générations en générations. Que reste-t-il de la culture palliative en période de pandémie ? Comment expliquer que des soignants aient pu à ce point renoncer à ce qui les anime sans tomber malade ou décompenser psychiquement ? Pourquoi les interdictions de visites ont elles été si strictement appliquées en unité de soins palliatifs ? « Durant ces longues semaines éprouvantes et angoissantes où il fallait continuellement inventer, penser, délibérer, il est étonnant de constater que le réflexe majoritaire pour guider l’action était de guetter puis de suivre les recommandations de bonnes pratiques. Où est donc passée l’autonomie morale ? Le risque médico-légal aurait-il totalement anesthésié la capacité de penser et d’agir par soi-même ? La démarche qualité aurait-elle définitivement conquis les subjectivités ? Les recommandations de bonnes pratiques ne peuvent pas fonder une société du Care, c’est même tout l’inverse. Le plus grave n’est pas d’avoir interdit les visites aux proches de patients hospitalisés, d’avoir renvoyé chez eux des soignants et des bénévoles au motif qu’ils n’étaient pas indispensables à la gestion de crise. Le plus grave n’est-il pas de l’avoir fait car tout le monde faisait ainsi, car c’est ce que préconisaient les recommandations de bonnes pratiques, car finalement, le plus simple, c’est de ne pas penser ? »

Nicolas PUJOL, Marie-Lorraine de WARREN & Sandrine MARSAN, « Mourir au temps du COVID 19 », Laennec, 2020, Vol. 4, Tome 68, p. 5-20. A contacter pour PDF : mounierprof@gmail.com, rédacteur en chef de la revue.

Nicolas PUJOL, Marie-Lorraine de WARREN & Sandrine MARSAN, « Les soins palliatifs à l’épreuve de la COVID 19 », Esprit, 2020, Vol. 12, p. 21-24. A contacter pour PDF : j.chalier@esprit.presse.fr, rédacteur en chef de la revue.